Avant de quitter Biscarosse, nous prenons le temps d’échanger sur ces premiers jours d’itinérance autour d’un petit-déjeuner. Ils dessinent nos premières intuitions, et les pistes que nous envisageons pour mettre en récit la création-recherche Viendra la Forêt. Certains sujets nous sont devenus familiers, à force de les voir revenir dans nos différentes rencontres. De les éprouver à vélo, ou sur le terrain. Des termes plus précis ont fait apparition dans notre vocabulaire pour parler plus précisément des enjeux que nous côtoyons autour de la gestion de la forêt landaise et des incendies.
Au-delà du jargon, cet ensemble de termes raconte notre approche de ces traces laissées par le feu. Il nait autour de ce petit-déjeuner l’envie d’explorer ce vocabulaire à travers l’écriture d’un Dictionnaire de la Forêt et du Feu, à la croisée du terrain, des récits collectés, des définitions passées et actuelles.
L’objectif du jour est de remonter à travers la forêt usagère en suivant la trace des cabanes disseminées dans les pins. 50% d’entre elles ont été préservées des flammes. Pour 50% d’entre-elles, il ne reste que les pierres de la cheminée, ou quelques tuiles effondrées au sol. Nous suivons l’atlas de cartes préparé en amont de l’itinérance.
La Vélodyssée nous ramène en Gironde. Au point de bascule entre le département des Landes et de la Gironde, nous nous retrouvons au milieu d’un immense pare-feu. Au tiers de cet ouvrage nous accédons par une piste forestière à la partie sud de la forêt domaniale de La Teste épargnée dans sa partie inférieure par les flammes. L’objectif : trouver une cabane intacte pour relater de l’existence de celle-ci et permettre de faire état d’un paysage préservé des flammes. Les pistes ensablées sont peu praticables. Nous avançons avec peine malgré la section de nos pneus. Nous n’avons aucun mal à imaginer la difficulté qu’éprouve les pompiers pour circuler, dans l’air obscurci par l’incendie.
Nous trouvons une première cabane. Lou Grand Jaougaret. Véritable havre de paix jardiné. Un réservoir d’eau fait face à la cabane, fermée, un peu de bois de chauffage entreposé, un airial bien entretenu, des feuillus en lisière de pins. Nous profitons du lieu pour déjeuner. Ce havre de paix s’avère très relatif. La base de Cazaux, voisine du lieu, lance des avions de chasse en exercice au-dessus de nos têtes. La discussion est rendue difficile. Nous observons, conscient qu’à quelques centaines de mètres de nous seulement, le paysage est désolé, dévasté par l’incendie.









Nous nous mettons en route, et trouvons quelques mètres plus loin une seconde cabane. Jaougaret. La cabane est sensiblement plus petite, mais l’airial sur lequel elle se trouve est plus grand. Il est tout aussi bien entretenu et à voir le nom, peut-être s’agit-il du·de la même propriétaire.
Sur la dune surplombant cette cabane, deux débardeuses sont à l'œuvre. Dans un fracas saccadé, les pins se couchent tels des cure-dents. Nous sommes à la fois sidérés et terrifiés par l’image que nous renvoient ces machines. Pour sortir de la forêt domaniale, nous empruntons une piste damée par le passage des débardeuses. De retour le long de l’océan, nous empruntons la Vélodyssée. Nous sommes en avril, ce qui ne nous empêche pas de croiser de nombreux⸱ses voyageur·euses à vélo qui parcourent le paysage brûlé. Nous avançons au milieu d’une étendue vide, jonchée de quelques pins aux troncs noircis. Dans les quelques bosquets de pins restés debout, nous retrouvons les mots de Thierry Carreyre pour qui les pins brillent par leur absence et laissent au vent le champ libre pour ralentir les cyclistes qui pédalent vers le nord. Au niveau de la Salie Sud, nous croisons trois agents de l’ONF en pleine partie de Mölkky, en face des toilettes publiques, face à l’épave d’un restaurant brûlé.
Sur la dune surplombant cette cabane, deux débardeuses sont à l'œuvre. Dans un fracas saccadé, les pins se couchent tels des cure-dents. Nous sommes à la fois sidérés et terrifiés par l’image que nous renvoient ces machines. Pour sortir de la forêt domaniale, nous empruntons une piste damée par le passage des débardeuses. De retour le long de l’océan, nous empruntons la Vélodyssée. Nous sommes en avril, ce qui ne nous empêche pas de croiser de nombreux⸱ses voyageur·euses à vélo qui parcourent le paysage brûlé. Nous avançons au milieu d’une étendue vide, jonchée de quelques pins aux troncs noircis. Dans les quelques bosquets de pins restés debout, nous retrouvons les mots de Thierry Carreyre pour qui les pins brillent par leur absence et laissent au vent le champ libre pour ralentir les cyclistes qui pédalent vers le nord. Au niveau de la Salie Sud, nous croisons trois agents de l’ONF en pleine partie de Mölkky, en face des toilettes publiques, face à l’épave d’un restaurant brûlé.








Avec la plage, viennent les campings qui tentent d’effacer les traces du feu par un reconstruction hâtive. A l’exception du camping de la forêt, tous arborent des totems d’entrée neufs, des bungalows style néo-cabane de résigné fraîchement installés, une voirie récente. Mais l’absence du couvert forestier qui rend l’expérience d’un emplacement sous les pins au pied de la dune du Pyla si particulière n’a pas pu être comblée dans un temps aussi record.
D’un côté les plages océanes, les glaciers et les campings et de l’autre la forêt usagère, brûlée, adjudiquée. Depuis le point de vue situé en face du camping de la Dune - renommé Flots Bleus puisqu’il s’agit du lieu où prend part l’action du film Camping - les troncs calcinés émergent au milieu des fougères et de la vergerette du Canada, dopée par le potasse présent dans les cendres.
L’atmosphère qui règne nous rend perplexe. Que pensent les automobilistes quand ils traversent ce paysage le le long de la D218 ? Et les touristes venus louer un vélo le temps d’une journée pour vivre l’expérience Pyla ? Si les campings ont été reconstruit dans une zone classée Natura 2000, ils trônent aujourd’hui sur un tapis de cendres, au milieu des quelques pins calcinés.
Nous faisons une halte à l’entrée dela piste 214. Le secrétariat de Pascale Got nous contacte pour décaler le rendez-vous prévu le lendemain de 16h30 à 9h. Impossible d’y être dans les délais à moins de pédaler une bonne partie de la soirée. Et vu le temps que nous venons de passer à pousser les vélos dans le sable, l’énergie manque. Nous improvisons un plan B, et décidons de sauter dans un train à la fin de la journée pour rentrer à Bordeaux en train, et rejoindre Saumos en voiture le lendemain. Chance en est pour Pascale Got, nous serons propres.






Sur la route pour La Teste, nous décidons de faire un dernier détour dans la forêt usagère. À la recherche des cabanes touchées par l’incendie. Nous sommes tout au nord de la Forêt, sur la piste cyclable qui longe la D259, le boulevard des Portes de l’Océan, route prisée des vacancier·ères qui se rendent sur le littoral.
Nous pénétrons à nouveau la forêt par une piste sableuse nous réchauffant les mollets . Il fait chaud. À nouveau, la présence des feuillus qui ont résisté à l’incendie nous interpelle. Les pins ont quasiment tous disparu.
Nous hésitons maintenant entre prendre la direction de la gare, ou explorer encore, à la recherche d’autres cabanes. Nous poussons finalement 500m supplémentaires pour aller voir Les Républicains, la cabane la plus proche.










Nous arrivons devant un chemin, entravé par un jeune tronc posé en guise de portail. Une fontaine borde le passage. Si le décor a reverdi, il ne fait aucun doute que l’incendie est passé par là. Sans oser passer la barrière, nous profitons de l’endroit pour faire une pause logistique : nous devons trouver une voiture pour nous rendre à Saumos le lendemain, et Antoine doit régler une question administrative.
Une voiture s’approche. Nous sommes assez étonnés de voir une Golf passer sur une piste aussi ensablée. L’homme au volant nous regarde, à peine concerné par notre présence à l’entrée de son chemin. Il lâche un salut courtois et sa fille sort de la voiture pour ouvrir le portail de fortune.
Tim passe la barrière pour aller le voir et peut-être improviser un entretien avec lui. C’est bien le propriétaire de la cabane. Il nous explique ne pas vouloir enregistrer son témoignage mais être d’accord pour nous le confier.
Avec sa veste Guy Cotten et ses bottes, son allure de pêcheur est bien loin de l’image bourgeoise que nous nous étions construite des propriétaires de cabanes. Alain, nous explique être propriétaire de deux cabanes, dont l’une a péri pendant les incendies. Si Les Républicains a été sauvée, c’est parce qu’il l’a protégé.
Il n’a pas hérité de sa cabane. Son rapport aux cabanes lui vient de son enfance où oncles et tantes l'emmenaient passer ses week-ends et ses étés dans la forêt usagère. C’est ce qui lui a donné envie de devenir propriétaire d’une cabane et de transmettre à sa fille l’émerveillement de son enfance au milieu des pins. Avant d’acquérir sa première cabane, il a longtemps été locataire.
Il n’a pas hérité de sa cabane. Son rapport aux cabanes lui vient de son enfance où oncles et tantes l'emmenaient passer ses week-ends et ses étés dans la forêt usagère. C’est ce qui lui a donné envie de devenir propriétaire d’une cabane et de transmettre à sa fille l’émerveillement de son enfance au milieu des pins. Avant d’acquérir sa première cabane, il a longtemps été locataire.
Il se tient à distance des syndicats et collectifs de propriétaires qui ne respectent pas la tradition des cabanes qui selon lui “sont des voleurs et des bandits”.
Au moment d’évoquer l’incendie, il nous montre des vidéos que des pompiers lui ont envoyées. Contre l’ordre d’évacuer, il est resté au milieu de l’incendie pour défendre sa cabane. Il nous montre aussi une vidéo de pompiers dans un véhicule d’intervention, traversant le mur de flammes pour sortir du brasier. Images d’un enfer, qui sur un téléphone avec l’écran rayé sont déjà saisissantes.
Pour une seule question il accepte d’être filmé.“As-tu peur qu’un incendie viennent à nouveau tout détruire ?” Sa réponse est aussi succincte que sincère: ”Non, il n’y a plus rien à brûler ici”. Peut-être sa fille reverra un jour la forêt qu’il a lui connu enfant, mais pour lui, il est trop tard. Il a aussi conscience que les quelques pins encore debout, même s’il paraissent majestueux, sont malades, malades d’être seuls, et qu'ils finiront eux aussi par mourir à leur tour.
Nous terminons notre entretien avec un portrait de lui, qui ne désire pas se confier plus, le reste de son récit lui appartient, et n’a pas vocation à être dévoilé. Le week-end commence pour lui et sa fille.
Nous repartons en quête de cabanes, nous en reverrons deux. Intactes dans une zone où le feu n’est pas parvenu. La dernière revêt plus l’aspect d’une résidence secondaire qu’une ancienne demeure de résigné, avec portail, parking, chiens de gardes et immenses baies vitrées.